Peut-on proposer des œuvres d’art soldées ?

Dans un monde où les promotions, les soldes, et les codes de réduction sont omniprésents, la question de leur application au marché de l’art se pose régulièrement.

Si offrir des rabais, des remises, des soldes semble une stratégie attrayante pour stimuler les ventes, cette pratique est-elle réellement adaptée au domaine artistique ?

Ces derniers temps, j’ai reçu plusieurs e-mails me demandant si un artiste peintre, photographe ou sculpteur pouvait pratiquer des SOLDES sur ses œuvres d’art.

Plutôt que de répondre individuellement, j’ai choisi d’écrire un article sur le blog, car cette question va certainement intéresser bon nombre d’entre vous.

Les soldes dans le milieu artistique : comment cela fonctionne-t-il ?

Quelles sont les pratiques à privilégier et les erreurs à éviter ?

Je vous explique tout en détail ci-dessous.

C’est quoi des soldes ?

Les soldes permettent un écoulement des collections passées, des invendus pour ainsi faire place aux nouvelles collections. Elles concernent les marchandises en stock dont des articles ont été proposés à la vente depuis au moins un mois.
Concrètement, ces articles comportent une annonce de réduction de prix (qui peut aller jusqu’à une revente à perte) dans la limite du stock à écouler et sont pratiqués pendant des périodes fixes. Les articles achetés en soldes doivent bénéficier des mêmes garanties que les autres articles.

Les dates des soldes en France

Les dates des soldes fixes sont les suivantes :
• Janvier/février pour les soldes d’hiver.
• Juin/juillet pour les soldes d’été.
Les dates des soldes sont fixées, dans chaque département, par les préfets, après consultation des organismes professionnels et de consommateurs. Leur durée maximale autorisée est de six semaines (modifiée par une loi récente à 5 semaines + 1 semaine dite “soldes flottants”). Une règle qui s’adresse également aux boutiques en ligne qui proposent des articles en série sur internet.

Un événement commercial qui touche tous les secteurs

La période des soldes s’est de plus en plus transformée en événement festif ou de transgression des conventions, surtout dans les boutiques de luxe. Là où les règles de l’accueil et de la politesse sont primordiales, renforcées par une commission sur chaque vente.
Durant les périodes de soldes, les vendeurs ont pour mission de réduire le confort notamment en proposant les articles dans un joyeux bazar, de masquer les miroirs, de créer une atmosphère d’urgence ou presque de compétition sportive.
A l’origine, les soldes portaient sur le prêt-à-porter, la Direction Générale de la Concurrence de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) a pu constater qu’au fil des années, des secteurs de plus en plus nombreux participaient à cet événement commercial.
Avec internet et la naissance des boutiques-ateliers présentant d’étonnants objets et produits liés au monde du textile, de la mode, des bijoux, de la décoration et des arts de la table, certains décorateurs en sont même venus à proposer des tableaux en soldes ! La tendance a rapidement séduit bon nombre d’artistes peintres, sculpteurs ou photographes… Mais faut-il suivre cette tendance ?

Montage Tableaux : Manet, Van Gogh, De Vinci

L’art est-il un marché comme les autres ?

Contrairement aux produits de consommation courante, une œuvre d’art est une création unique. Elle porte l’empreinte, le temps, et l’émotion de l’artiste. À ce titre, la valeur d’une œuvre dépasse largement le cadre de son prix de vente ; elle repose aussi sur la perception et l’estime du public et des collectionneurs.

En pratiquant des soldes ou des promotions, l’artiste risque d’assimiler l’art à un produit banal et de réduire la valeur perçue de ses œuvres, cette démarche va en plus nuire à la crédibilité de l’artiste et à la confiance des acheteurs qui préfèrent investir dans des œuvres dont la valeur, la cote est stable, voire croissante.

Une œuvre peut-elle être démodée ?

Comme cité plus haut, « les soldes permettent un écoulement des collections passées, des invendus pour ainsi faire place aux nouvelles tendances. » mais peut-on parler de collections démodées autour d’œuvres d’art ?
L’œuvre d’art n’est-elle pas hors du temps ?

Elle peut même être l’affirmation simultanée de plusieurs temps.
Une composition artistique reste donc une énigme et un affolement de la temporalité. Elle atteste d’un temps intermédiaire entre mémoires et pulsions. Elle est la trace ou le témoignage de l’artiste, d’une expérience à un moment donné.

Pour une pièce originale et unique comme un tableau ou une sculpture, difficile de parler d’œuvre démodée, qui a fait son temps.

L’œuvre d’art unique ne peut pas être mise au même rang qu’une paire de chaussures et une chemise démodées réalisées à des milliers d’exemplaires !

Puis-je solder mes œuvres ?

Les professionnels de l’art ne soldent pas.

Il n’est pas toujours bien vu qu’un artiste professionnel (peintre, plasticien ou un sculpteur) propose des œuvres soldées surtout lorsque celui-ci est exposé en galerie.

Avec internet, on se sent libre de tout, de publier ses actualités, ses projets en cours, ses tableaux mais attention de bien réfléchir quand il s’agit d’afficher le mot « soldes » sur son site ou son blog.
Dans le milieu de l’Art, il est courant d’effectuer des remises exceptionnelles sur des œuvres lorsqu’une négociation s’engage avec un client, mais vous ne verrez jamais sur la vitrine d’une galerie d’art contemporain, l’inscription « soldes , 1ère démarque sur toutes les toiles 40x40cm ».

Alors, pourquoi le feriez-vous !
Si vous êtes artiste (peintre, plasticien, sculpteur, photographe), que vous créez de la pièce originale et unique, que vous souhaitez vous professionnaliser dans ce métier, et exposer en galerie, les soldes ne doivent pas faire partie de votre stratégie commerciale.

Montage : sculpture de Rodin. 

Les soldes existent-elles dans les galeries d’art ?

Dans les grandes galeries, les soldes ne sont pas une pratique courante mais les prix ne sont pas figés non plus : la négociation est une pratique bien acceptée et même attendue dans certaines transactions. Elle permet de trouver un compromis personnalisé entre le vendeur et l’acquéreur tout en préservant l’image prestigieuse de l’œuvre et de l’artiste.

Cependant, proposer un rabais immédiatement ou organiser des ventes “déstockage” peut donner une image désespérée ou amateur, surtout dans un secteur où la rareté et la distinction jouent un rôle clé.

Les soldes peuvent-elles nuire à la réputation de l’artiste ?

Pratiquer des soldes a un impact à long terme sur votre image d’artiste. La période des soldes va créer des attentes chez vos acheteurs, qui pourraient attendre systématiquement des baisses de prix au lieu d’acheter les œuvres à leur juste valeur. Cette habitude va aussi affecter les collectionneurs existants qui vont alors voir leurs acquisitions perdre toute leur valeur.

Pour les artistes en galerie qui affichent à leur atelier ou site web personnel des toiles à -30%, -40%, -50%.

Ces pratiques peuvent avoir plusieurs conséquences négatives :

• Cannibalisation de votre travail : en proposant des prix fluctuants tous les six mois, l’artiste dévalorise sa propre production artistique.
• Déstabilisation des clients : des écarts de prix d’une galerie à l’autre perturbent les acheteurs et collectionneurs, qui ne savent plus quelle valeur accorder à l’œuvre.
• Atteinte à la crédibilité du galeriste : solder une œuvre d’art dans votre atelier d’artiste va compromettre la réputation des galeries qui exposent l’artiste mais qui ne pratiquent pas les soldes dans leur showroom. L’artiste parasite ainsi son image et risque des conflits avec le ou la galeriste. Une mésentente qui peut aller jusqu’à l’expulsion.
• Impact sur votre cote artistique : une telle stratégie peut affaiblir, voire anéantir votre positionnement sur le marché de l’art officiel.
• Perte d’opportunités professionnelles : sur internet, de nombreux galeristes et marchands d’art suivent activement les artistes. Des réductions excessives peuvent les dissuader de collaborer avec certains artistes à l’avenir.
• Manque de professionnalisme : enfin, des pratiques de soldes constantes donnent une image non professionnelle, qui peut nuire à votre crédibilité en tant qu’artiste sérieux et engagé dans son métier.

Pour les artistes non exposés en galerie :

Pour les artistes débutants qui ne sont pas encore exposés en galerie, proposer des soldes peut avoir des effets négatifs. La démarche risque de dévaloriser vos créations et de compromettre votre entrée sur le marché de l’art. De plus, cela peut donner l’impression que vos œuvres sont issues d’une production de masse et de qualité inférieure, ce qui nuit à votre crédibilité artistique.

Quelles alternatives aux soldes pour dynamiser ses ventes ?

Si vous souhaitez stimuler vos ventes sans dévaloriser vos œuvres, voici quelques options :

• Offrir un avantage : Proposer un encadrement offert, un certificat personnalisé, ou la livraison gratuite peut séduire les acheteurs sans toucher au prix de l’œuvre.
• Créer des éditions limitées : Produire une série spéciale, plus abordable, tout en réservant vos œuvres principales à un marché haut de gamme.
• Organiser un événement privé : Inviter vos collectionneurs à une vente exclusive où ils auront accès en avant-première à de nouvelles créations.

Comment préserver la valeur de ses œuvres ?

Bien que l’idée des soldes puisse sembler séduisante pour écouler des stocks ou attirer de nouveaux clients, elle n’est pas toujours bénéfique pour les artistes. Chaque œuvre d’art est unique et mérite d’être traitée avec soin et respect, tant pour l’artiste que pour les collectionneurs.

En fin de compte, préserver la valeur symbolique et émotionnelle de vos œuvres est essentiel. Si vous souhaitez explorer de nouvelles stratégies pour vendre vos œuvres, privilégiez des approches qui mettent en avant leur singularité et leur richesse, sans compromettre leur image.

Et vous, que pensez-vous de l’idée de solder les œuvres d’art ?

N’hésitez pas à partager votre avis dans les commentaires !

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